La fin de la nuit

L’aube est généralement considérée comme le « commencement » de quelque chose de nouveau. Donc « la fin » de quelque chose d’autre – la nuit ; la période dont on ne sait rien et dont on ne veut rien savoir.

La nuit et le temps de l’obscurité, cependant, est la période où tout est possible. La nuit ne doit pas nécessairement être terrifiante ou le moment où les fantômes et les mauvais esprits semblent nous tourmenter. Dans de nombreux récits et contes de fées occidentaux, la nuit est dangereuse et de mauvaise augure. Alors que la nuit apporte repos et renouveau au corps et à l’esprit.

Dans les manuels bouddhistes zen d’orient, la division d’une journée complète ne commence pas au lever du soleil mais à minuit. Les directives pour le cuisinier du temple de Maître Dogen (le célèbre « Tenzo Kyokun »), par exemple, fait commencer le « jour » du cuisinier au milieu de la nuit.

Voir et écouter le cosmos

Des sons inouïs

Hier, j’ai assisté à la première de « Micromedas » de Valery Vermeulen et Hiroshi Matoba dans la belle salle de concert à Bruges.

Valery Vermeulen présente Mikromedas au Concertgebouw de Bruges.

Ce fut une expérience fascinante en raison des sons écrasants que Valery a réussi à créer à partir de ses synthétiseurs. A partir de données issues de simulations du comportement des trous noirs dans l’espace, il les a transformés en compositions musicales aliénantes. Des sons sans précédent (bien que j’avais déjà entendu Valéry) qui suscitaient des émotions tout à fait opposées. Parfois maladroitement puissant avec des sons profonds et menaçants qui faisaient trembler le public. Parfois frêle et doux. Mais toujours : je n’ai jamais entendu ça.

Les visuels du jeune Hiroshi Matoba ont offert une belle contrepartie pour les harmonies étranges (et les désaccords) qui ont pris de l’ampleur dans les enceintes. Scientifiquement et poétiquement, les formes sobres et abstraites étaient un spectacle fascinant. L’humour est également entré en jeu : une publication scientifique de 1988 a fait l’objet d’un voyage spirituel en 3D à travers les lettres et les mots qui étaient visuellement liés les uns aux autres.

La première image d’un trou noir

Une coïncidence improbable : hier, cette fameuse première photo de l’environnement d’un trou noir a été publiée ! Valéry était fier d’en parler lors de la présentation. Un beau moment où l’art et la science unissent symboliquement leurs forces pour tracer le mystère de cet univers. Mémorable !

Le Concertgebouw dans la nuit après la représentation.

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Éclairage politique de la nuit

La nuit, même une statuaire auguste devient susceptible de métamorphoses. C’est sans doute pourquoi les autorités se croient obligées d’inonder les monuments officiels d’une lumière de projecteurs qui assure la permanence de leur visibilité. (…)

La lumière artificielle réinstaure une hiérarchie verticale alors que le propre de l’obscur est de n’avoir aucun point d’émission, donc aucune centralité, qui capture le regard en l’attirant.

Michaël Fœssel in « Inévidences nocturnes » – catalogue « Peindre la nuit » p.17

La nuit est infinie

Quand j’ai commencé à tourner à la mi-octobre 2018, j’ai filmé les écluses du canal Bruxelles-Charleroi à Lembeek. Ces deux portes gigantesques qui retiennent des milliards d’hectolitres d’eau m’ont inspiré pour le début de cette vidéo sur la nuit. De plus, l’eau s’écoule constamment entre les deux portes vers l’extérieur : la nuit se tenait devant moi comme une gigantesque masse d’obscurité d’où jaillissaient des images.

Le dimanche 7 avril, vers six heures du matin, j’étais dans les parages des mêmes écluses – mais cette fois-ci sur le côté, à une écluse différente, plus petite. Là aussi, l’eau ruisselait d’un son très percutant. Cela m’a rappelé l’atmosphère des films d’Andrei Tarkovsky, où l’eau joue également un rôle important.

Là aussi j’ai fais une prise de vue en ayant l’impression de terminer quelque chose. La nuit m’avait donné tout ce qui était possible à ce moment-là.

Peut-être que les images de ces écluses formeront le début et la fin de la vidéo.

Pourtant la nuit n’est pas épuisée. La nuit est infinie. Il n’est pas possible de filmer « tout » de la nuit.

Ferme l’oeil de ton corps afin de voir ton tableau d’abord par l’oeil de ton esprit. Puis mets au jour ce que tu as vu dans l’obscurité, afin que ta vision agisse sur d’autres, de l’extérieur vers l’intérieur.

Caspar David Friedrich in « Considérations à propos d’une collection de peintures »

Observer les étoiles

Hier soir (la Nuit des ténèbres), lors de mes explorations nocturnes à Halle et dans les environs, j’ai rencontré un groupe d’observateurs d’étoiles avec leurs impressionnants télescopes. J’ai pu converser avec eux et j’ai appris un certain nombre de choses : les étoiles en duo, les amas d’étoiles (les Pléiades étaient clairement visibles), comment photographier les étoiles avec des télescopes spécialement contrôlés par ordinateur qui suivent la rotation de la terre, les temps d’exposition qui sont étalés sur plusieurs nuits (parfois avec un temps total de deux heures), comment obtenir autant de photons que possible sur la plaque sensible, la distance focale d’un tel télescope est déterminée, etc… J’ai également pu voir la surface de la lune comme jamais auparavant.

Toutes des choses fascinantes.

Enfin, j’ai fait moi-même un certain nombre d’enregistrements. Ci-dessous se trouve un petit fragment du ciel nocturne avec les Pléiades en bas à gauche et…. un avion qui glisse lentement…

Le (terrible) bruit que l’on entend est celui du périphérique adjacent…. Rien à rêver.

Partout et nulle part

Ce matin, j’ai quitté ma maison à 5h45 et 100m plus loin j’ai fait quelques enregistrements dans les champs. C’était plutôt brumeux. Alors, j’étais littéralement nulle part. Ces lieux (et les images) peuvent maintenant venir de n’importe où.

Un sentiment étrange.

La nuit efface l’emplacement exact. L’unicité des lieux qu’ils ont pendant la journée. La nuit, vous pouvez littéralement vous perdre dans un endroit familier.